Thibaud, de l’association Dernière Rénovation, était l’invité du Collège des Directeurs du Développement Durable, en vue d’expliquer à quelques dizaines de femmes et d’hommes, tous professionnels de la RSE, dans leurs organisations respectives, pourquoi, en tant que militants pour le climat, lui et les autres membres de l’association se mobilisent aussi intensément. Quelques jours auparavant en effet, le 3 juin 2022, Alizée, l’une des membres de l’association, s’est attachée au filet du cours où se jouait alors la demi-finale de Roland Garros. Et quelques jours après cette rencontre, l’association faisait passer ses messages sur le Tour de France, à trois reprises, avec le message suivant : “Nous ne nous laisserons pas mourir en silence”. Chacune de ces interruptions a déclenché autant de soutient de la part de celles et ceux qui, comme eux, sont indignés par le manque de cohérence entre les faits scientifiques et les actions de la part des décideurs privés et publics, que de virulence de la part de celles et ceux qui ne voient pas encore l’évidence des faits et donc ne peuvent comprendre le sens de leur action. L’association a accepté que nous reprenions le texte du discours de Thibaud pour le partager sur le blog de l’entreprise contributive. Voici donc ses mots, sans fards. Ils étaient, début juillet, adressés aux membres du C3D, et – malheureusement – ils sont toujours éminemment d’actualité. Ils s’adressent à nous tous, en entreprises.
Climat
» D’abord je vous propose de recadrer un peu le sujet dont on parle aujourd’hui, et dont vous allez parler toute la journée, pour qu’on regarde la situation avec un peu plus de franchise que les euphémismes qu’on peut lire à longueur de journée sur la crise climatique et que vous utiliserez sûrement à maintes reprises aujourd’hui.
Déjà la crise climatique en réalité n’a rien à voir avec le climat, et n’est pas non plus une crise. Ce à quoi on fait face, c’est l’extinction de l’espèce humaine, l’effondrement de nos civilisations d’ici une, deux ou trois générations selon le meilleur de la science actuelle, à travers des migrations de masse, des famines, des guerres et des massacres.
Avec notre trajectoire actuelle, d’ici 10 à 20 ans, on parle d’un milliard de personnes sur les routes et de 100 millions de personnes qui vont perdre la vie. D’ici 30 à 50 ans, on parle d’une bonne partie de l’Australie, de la moitié de l’Afrique et de l’Amérique Latine, et de tout le Moyen-Orient, toute l’Inde, et toute l’Asie du sud est qui seront plus habitables, et desquels tout le monde va devoir partir. Ça représente 3,5 milliards de personnes qui devront bouger. Et d’ici la fin du siècle, que connaitront peut être vos enfants s’ils ont réussi à survivre jusque là, c’est la France qui sera devenu aux 3/4 un
désert inhabitable, asséché et incapable de produire quelque nourriture que ce soit.
Ce qu’on sait aussi maintenant c’est qu’en réalité si on veut avoir une vraie chance de rester en dessous des 2 degrés on doit absolument atteindre la neutralité d’ici 2030 et pas 2050. Faute de quoi on dépassera probablement de nombreux points de bascule, et y aura plus de retour en arrière possible, la situation sera scellée pour les 100 000 prochaines années. Ça veut dire que, comme l’a dit l’ancien scientifique en chef du RU David King, ce qu’on va faire dans les 2 à 3 années à venir va déterminer le destin de l’humanité.
Et c’est essentiel quand vous allez maintenant discuter de vos projets de “développement durable” comme des programmes économiques parmi d’autres, que vous sentiez cette horreur dans vos tripes, que vous sentiez vos larmes monter quand vous regarderez votre fille dans les yeux en sachant que la société dans laquelle elle vit l’avait déjà condamnée à mort avant même qu’elle ne vienne au monde.
La révolution
La 2ème chose que je veux vous dire c’est que si vous êtes libéral, c’est à dire que vous adhérez à la philosophie mise en avant par les milieux de droite en occident, alors aujourd’hui, vous devez être un révolutionnaire.
J’ai pas d’attirance particulière pour la notion de révolution, c’est pas quelque chose qu’on m’a transmis dans mon milieu social. Je viens d’une famille bourgeoise, j’ai fait des études dans une grande école, mon père est chef d’entreprise, et j’ai moi-même travaillé dans une grande entreprise par le passé, un peu comme vous sûrement. Mais ce que nous dit la littérature en sciences sociales, c’est que quand des sociétés atteignent certains points de bascule, ils deviennent incapable de se réformer, c’est à
dire de se transformer de façon incrémentale, de l’intérieur. C’est pas par idéologie que je vous dit ça, parce que je serais révolutionnaire, c’est juste par une analyse rationnelle de notre histoire.
Et il s’agit pas de dire que le réformisme c’est mal, que ce que vous faites c’est mal. Mais désormais, une révolution est nécessaire et inévitable. Parce qu’à ce moment de l’histoire où on se trouve maintenant, le réformisme c’est foutu. Parce que ça fait 30 ans que les élites libérales qui nous ont précédé ont refusé d’agir à l’encontre des intérêts privés et à la hauteur de ce que la science leur demandait. On a déjà perdu cette bataille, c’est fini maintenant. La seule chose encore possible dans les délais qu’il nous reste et à l’échelle requise est un changement de système, parce que le capitalisme est
incapable de se réformer lui-même et nous emmènera inévitablement vers notre extinction.
L’autre raison pour laquelle on va inévitablement vers une révolution est celle de l’inertie organisationnelle. Je suis sûr que vous êtes tous et toutes d’accord avec moi ici. Mais combien parmi vous vont vraiment changer en profondeur vos organisations ? Probablement aucun.e parmi vous. Et probablement que vos boss aussi sont d’accord avec moi, avec vous, qu’on fait face à une catastrophe existentielle et qu’il faut se bouger. Mais pourtant pourquoi est ce qu’ils bougent pas aussi vite que vous le voudriez et qu’ils le devraient ? parce qu’ils doivent se prendre un coup de pied au cul pour le faire, à cause de l’inertie organisationnelle.
Et pourquoi est ce qu’une révolution est inévitable, notamment en Europe ? Parce qu’on fait partie d’une longue tradition humaniste. Parce que dans notre pays, on a eu plein de guerres civiles pour faire valoir que ceux qui nous dirigeaient n’étaient pas au dessus des lois, et que des tyrans n’avaient tout simplement pas le droit de se balader et de massacrer des populations simplement parce qu’ils en avaient envie. Parce que l’Article 35 de notre constitution de 1793 nous a dit que – Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. Ça nous a donné des droits
inaliénables, comme le droit à vivre. Et qu’est ce que ça donne aujourd’hui ? Ça donne le fait d’aller voir des gouvernements et des entreprises, et de leur dire: vous n’engagerez pas des politiques qui vont mener des milliards d’individus à mourir de faim dans les années à venir. Et si nos gouvernements et nos entreprises refusent, ça veut dire qu’il faut s’engager dans une guerre contre eux. Parce que c’est non négociable. Voilà notre tradition libérale en France, pas particulièrement marxiste ou socialiste.
Entrez en résistance civile
A quoi est ce que ça ressemble la résistance civile ? Vous allez dans vos organisation et vous allez parler aux employés de votre entreprise pour leur raconter ce qui va vraiment leur arriver. Vous tracez une ligne dans le sable à ne pas dépasser, et vous faites une demande à votre entreprise. Quand vous allez aller voir vos boss, ils vont probablement vous dire non. Parce que c’est aussi les esclaves du système capitaliste. Si la demande est pas respectée, alors vous entrez en résistance, vous arrêtez de travailler, vous interrompez les chaînes de production de votre entreprise, vous faites une grève de la
faim, vous trouvez 10 personnes pour aller refaire la peinture du hall d’entrée de votre siège social. Et ensuite vous descendez dans la rue avec nous, pour lutter contre un gouvernement qui permet la mise en oeuvre d’un projet génocidaire qui va détruire les vies de milliards d’individus dans 2 à 3 prochaines décennies.
Et à mon avis vous aurez infiniment plus de chance de provoquer un changement dans votre entreprise. Et si vous le faites pas, ayez au moins la lucidité d’accepter, comme le disait Hannah Arendt, qu’à défaut d’être en résistance, vous êtes complice de cette machine de mort.
Et si vous voulez vous impliquer dans la résistance civile, de quelque manière que ce soit, vous pouvez nous envoyer un message à contact@derniererenovation.fr , ou aller sur notre site internet derniererenovation.fr où vous pourrez trouver les dates de nos
réunions publiques et un lien pour faire des dons.
« Pour celles et ceux que ça intéresse, voici une version écrite de ce que j’ai partagé hier
: https://docs.google.com/document/d/1rAWYibfsKXzQnNgJoG3LovqNd3gj6d098QC
v5OhezY8/edit?usp=sharing
Pour celles et ceux qui ont été touché.e.s par ces quelques mots, l’invitation est de ne pas en rester là et de faire un pas de plus.
Pour nous contacter en direct pour voir comment nous aider : presse@derniererenovation.fr
Pour venir à une de nos réunions publiques et en apprendre davantage sur la résistance civile et notre campagne : https://www.eventbrite.fr/cc/nos-responsabilites-a-cemoment-de-lhistoire-178199
Pour nous faire un don et permettre de développer nos activités
: https://www.helloasso.com/associations/generation-mobilisation/formulaires/1
Notre site internet avec tout le reste des informations : derniererenovation.fr
A bientôt,
Thibaut de Dernière Rénovation «