Dessine-moi une entreprise contributive. Sandra Legel, Biom Paris

A l’origine de la création de ma société il y a 4 ans, il y avait l’envie de réinventer les objets du quotidien en version écologique, maline, design et locale. Je me suis intéressée à l’éco-conception, cette nouvelle manière de penser en amont de sa fabrication le cycle de vie du produit ou du service pour limiter au maximum son impact environnemental.

Depuis le début, je veux faire de Biom Paris une référence de l’éco-industrie française.

Une brosse WC comme porte-drapeau

J’ai commencé par la salle de bain, les toilettes plus précisément, en repensant entièrement le balai brosse. Comme Alibert, Grohe et d’autres industriels des années 1950, je me suis concentrée sur un seul produit. Je jugeais sa conception particulièrement inefficace et contraire à toute forme de responsabilité environnementale : les saletés qui s’accrochent aux poils, les gouttes inévitables et la quantité de papier gaspillée en conséquence, les matériaux utilisés pour les fabriquer, la production lointaine, l’esthétique questionnable…

Je suis partie des besoins des utilisateurs. Facile ! Tout le monde dans nos sociétés occidentales utilise quasiment quotidiennement une brosse WC. Nous nous sommes résignés à sa forme, son inadaptation, sa laideur, nous pestons contre son inefficacité… Et, quand vraiment ça ne va plus, nous jetons, remplaçons, recommençons.

J’ai testé toutes les brosses WC existantes. Toutes.

J’ai prêté attention aux matières utilisées, au design, aux modes et lieux de production, aux gestes de l’utilisateur… Au secours ! Il fallait proposer une alternative.

Mon croquis en main, je me suis tournée vers des designers industriels puis vers des investisseurs pour une levée de fonds de pré-amorçage. Après une étude d’éco-conception et 18 mois de développement produit, ‘bbb La Brosse’ était née. Ensemble, nous avons donné vie à la première brosse WC éco-conçue, efficace, design et entièrement fabriquée en France. Elle fit sa première apparition au Salon Maison et Objet en septembre 2017. En 2019, nous en avons vendu plus de 12 000 exemplaires.

L’entrée dans l’ère éco-industrielle

Quand j’ai commencé à parler des conséquences des activités humaines en termes de production industrielle il y a quatre ans, on m’a souvent ri au nez. Pourtant je suis restée convaincue : loin d’être une contrainte, l’éco-conception est une opportunité, c’est même une question de survie ! Tous les produits Biom Paris sont donc éco-conçus. Nous pensons la totalité de leur cycle de vie en amont de leur fabrication pour limiter au maximum leur impact environnemental. Pour repenser le design des produits, j’ai regardé du côté du biomimétisme et puisé l’inspiration dans la nature qui a toujours des solutions.

Ce que nous considérons comme « innovant » dans les processus de conception et de fabrication devrait être la norme depuis longtemps. Il faut mettre les savoirs, les avancées technologiques et l’innovation au service de l’amélioration de notre qualité de vie. J’entends bien sûr la vraie qualité de vie sur le long terme donc aussi la préservation de notre environnement, le contraire de la surconsommation.

Produire de manière responsable des objets durables et sains, c’est là l’enjeu et cela permettra de poser la vraie question : celle des modèles de production.

Sur les conseils d’un de mes associés, j’ai mené un travail de fond sur l’identité de la marque dès sa création. Tout se dessine à ce moment-là et toute la stratégie globale en découle. Avoir une belle marque, ça ne sert à rien si c’est une coquille vide. Je me sens toujours parfaitement en adéquation avec les ambitions de départ. Certes, j’ai dû faire quelques compromis (très peu), j’ai pivoté, j’ai commis pas mal d’erreurs mais ma vision n’a pas changé. Les valeurs de mon entreprise sont les miennes, elles sont profondément ancrées, ce qui facilite considérablement la prise de décisions ! Ce sont des piliers pour tous les aspects de l’entreprise, y compris en termes de recrutement, de management, de relations clients et partenaires…

Vers une conception plus durable de la performance

Ensemble, c’est vraiment un de mes mots clés. Je suis consciente que je n’aurais pas pu faire cela toute seule. Chacun apporte ce qu’il a à apporter, ce qu’il sait et qui il est. L’innovation et la RSE demandent beaucoup de créativité, sinon on ne bâtit pas un projet global. Pas question de recruter un responsable innovation qui ferait du copier/coller ! Et si le résultat progresse, tout le monde progresse. Ceux et celles qui contribuent à ce projet depuis quatre ans sont un peu fous, il faut bien l’admettre. Peut-être plus libres que fous finalement ? J’ai appris et j’apprends toujours auprès d’eux au quotidien. C’est mon moteur pour avancer vers le but que je me suis fixé. La bonne nouvelle c’est que nous sommes assez nombreux finalement à être « fous ». Nous sommes même de plus en plus nombreux…

Je n’ai jamais cherché à créer une entreprise « contributive » ou « green », je suis simplement convaincue que l’idée que nous nous faisons de la performance n’est pas durable. Vous ne trouvez pas complètement absurde l’idée de vous faire livrer par un drone, un concentré de technologie, un produit programmé pour l’obsolescence, fabriqué à base de dérivés d’énergies fossiles, impossible à recycler vraiment ?

Pour moi, performance économique, performance environnementale et performance sociétale vont de pair. C’est d’ailleurs cela le développement durable. Par exemple, si le résultat progresse mais que mes salariés sont malheureux, je ne considérerai pas que mon entreprise est performante. La clé, c’est la liberté, l’engagement, la motivation interne, la conviction partagée que ce que nous faisons est juste.

L’amélioration continue, le fait de tendre vers un objectif et de tout mettre en place pour l’atteindre est en soi une performance. J’adopte des méthodologies pour chaque enjeu et parfois, je les adapte pour faire encore mieux.

Le sens de la vie

J’aime beaucoup la définition du développement durable de Gro Harlem Brundtland, la Première Ministre norvégienne à la fin des années 1980 : « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».

Biom Paris est encore une petite entreprise mais nous travaillons à l’innovation durable pour une consommation responsable, la réduction des déchets, l’égalité en entreprise, l’amélioration de la qualité de vie de toutes les parties prenantes, la répartition des richesses et la transparence.

Pour moi, une entreprise contributive est une entreprise consciente de ces enjeux. Innover implique de s’adapter, d’inventer de nouveaux usages… Je fais souvent le parallèle avec ‘bbb La Brosse’ : il faut la manier énergiquement pour avoir des résultats ! De la même manière, il faut plus d’énergie pour bâtir une entreprise innovante, éco-responsable et durable : le bénéfice est sur la durée.

La prise de conscience s’accélère, c’est bien, mais je suis encore en butte aux refus de beaucoup de grandes enseignes qui veulent conserver leurs marges alors que nos manières de concevoir, de fabriquer, de produire, de distribuer sont pour le moment plus chères puisque nouvelles. Les usines doivent s’adapter, les partenaires doivent suivre… Ce n’est vraiment pas la solution de facilité de produire en France ! Surtout que je veux vendre mes produits au prix juste… Un vrai casse-tête ! Il faut que les choses bougent. Il faut aller au-delà de la promesse écologique et entrer dans l’ère de l’éco-industrie.

Une entreprise contributive, ce n’est pas un concept, c’est un chemin. Et ce chemin doit être celui de la personne qui dirige l’entreprise : empathie, ambition, humilité, prise de risque. Il faut sans cesse tenter de réconcilier rentabilité et impact positif… et s’y tenir ! Cela ne se déclare pas, cela se fait. Je n’ai rien « réussi », j’ai posé les premières pierres. Je veux rester libre et qu’ensemble on construise un monde durable plus humain, plus responsable, plus juste.

Dessine-moi une entreprise contributive Par Sandra Legel, éco-entrepreneure, fondatrice et CEO de Biom Paris

Biom Paris continue son développement via une campagne de financement : https://www.tudigo.co/equity/biom-paris-produits-eco-innovants allez voir ! Extension de gamme, distribution, internationalisation : l’éco-industrie à la française prend de l’ampleur, les projets en cours sont concrets et pertinents !

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