Le modèle linéaire actuel, qui a vu le jour avec l’industrialisation, montre ses limites quand, en parallèle, l’économie circulaire fait de plus en plus parler d’elle en tant que nouveau paradigme à adopter. Mais qu’est-ce que cela représente concrètement en termes de business models ? Dans quelle mesure l’économie circulaire est-elle une alternative économiquement soutenable et à quelles conditions ?
Le modèle qui consiste à produire plus pour vendre plus, privilégiant des matériaux légers, peu chers à transporter mais difficiles à recycler et gourmands en matières premières, ne séduit plus vraiment les consommateurs.
De nombreuses startups et projets trouvent désormais leurs inspirations dans la circularité, à l’instar de Too Good To Go, qui propose la revente à prix réduits d’invendus alimentaires, ou encore UpCycly et ses solutions de mobilier de bureau upcyclés. Le modèle convainc également les grands groupes : ainsi Ikea par exemple, développe une offre de location de meubles sur quelques marchés en test pour l’instant, et Urban Outfitters propose désormais, aux Etats-Unis, un concept de location de vêtements, Nuuly. Loop s’inscrit aussi dans cette idée de consommation en boucle fermée, et a lancé cette année la première plateforme e-commerce circulaire, en partenariat avec plus de 25 multinationales. Via Loop les consommateurs se font livrer leurs produits du quotidien dans des contenants durables et consignés, qui seront collectés, nettoyés puis réutilisés. Lancé en 2019 à Paris et à New-York, le modèle va se développer en Angleterre, au Canada, au Japon, et dans le reste des Etats-Unis en 2020, soulignant l’émergence d’une conscience commune auprès des consommateurs et des marques.
Tous ces nouveaux business modèles relèvent un même défi : pérenniser un modèle de consommation plus responsable. Or, si « vendre plus pour gagner plus » justifie l’obsolescence programmée, comment assurer la croissance au long terme en changeant de paradigme pour « vendre l’expérience du durable » ?
Il s’agit de changer de point de vue et de vision globalement. L’économie circulaire est une économie dans laquelle la fin de vie du produit est prise en compte dès la conception afin d’en limiter l’impact environnemental. Les acteurs favorisent la réutilisation, celle des emballages chez Loop, ou encore la location, d’appareils techniques ou de vêtements, puis le recyclage en fin de vie du produit, afin de transformer la matière en futurs objets et limiter ainsi l’extraction de matières premières.
Concrètement, pour penser la fin du produit lors de sa conception, il est nécessaire que les équipes techniques et les ingénieurs travaillent en collaboration avec les équipes marketing et communication afin que la chaine soit, pensée dès l’origine dans sa globalité. Les jeunes sont de plus en plus demandeurs d’autres façons de travailler – collaboratives, « multitasking », en intelligence collective – et les bureaux, plus ouverts, favorisent les échanges.
Tout comme le travail en « silo » caractérise l’économie linéaire, l’économie circulaire commence avec une nouvelle façon de travailler !
Cette économie encourage l’innovation, la créativité et, souvent, le lien social. Les nouveaux business modèles, dans une logique de boucle fermée, incluent des services après-vente qui permettent de baisser certains couts liés notamment à la fin de vie des produits, aujourd’hui doublement payés par l’entreprise lors de la production, et via la responsabilité élargie des producteurs. Dans le cas de Fairphone, entreprise qui propose des smartphones plus éthiques quand l’industrie des téléphones pousse à la consommation d’objets vite obsolètes et gourmands de métaux rares. Le but de Fairphone est à la fois de démontrer qu’un autre sourcing de matériaux est possible et de vendre des téléphones qui durent dans le temps. L’entreprise a donc créé des appareils faciles à démonter avec des pièces pouvant être remplacées si nécessaire et propose l’aide d’un service d’accompagnement client – service qui devient la pierre angulaire garantissant que le produit reste dans la boucle. Fairphone peut ainsi développer deux activités: la vente et la location de produits qui ont une durée de vie plus longue.
Ces nouveaux business modèles circulaires ont en commun la place accordée à la communication pour changer de paradigme en B2B et B2C
L’ajustement en continu est indispensable pour tous ces nouveaux modèles. Or un nouveau paradigme implique une communication adaptée, dans les deux sens. L’enjeu est dorénavant de lier dans l’offre commerciale et la sensibilisation à la composition, l’impact et le service disponible avec le produit. Il s’agit de revoir la perception des utilisateurs, l’identification des messages clés et les canaux de diffusion afin de communiquer au-delà de l’offre marketing. L’exemple de Mud Jeans est représentatif de ce double échange : lorsque l’entreprise s’est lancée elle proposait la location de jeans, puis elle s’est ajustée progressivement à la demande jusqu’à offrir un service de consigne sur les jeans – les jeans étant soit repris soit échangés. Mud Jeans a ainsi pu atteindre son objectif principal qui était de récupérer la matière dans une boucle circulaire. Chez Loop aussi nous nous sommes ajustés aux habitudes des citadins qui n’ont pas toujours le temps d’aller dans les magasins de vrac ou qui souhaitent continuer d’utiliser leurs produits de marques préférés. L’offre s’est ainsi tournée vers la livraison et la collecte des emballages vides à domicile.
Les exemples et possibilités de business modèles sont donc nombreux, et la prochaine étape nécessaire pour démontrer la pérennité de ces modèles d’affaires sera l’adaptation des outils de mesure qui restent encore trop pensés pour l’analyse des économies linéaires
Tant que le calcul en rebond ne sera pas possible il sera difficile de prendre en compte toutes les externalités favorisant la croissance de ces nouveaux modèles. La pure méthodologie d’analyse du cycle de vie actuelle, certifiée par l’union européenne, démontrerait ainsi qu’une bouteille en plastique serait meilleure pour l’environnement qu’une bouteille en verre1 (analyse de cycle de vie qui va de la production à l’usage : extraction de matières premières, transport, recyclage). L’apport du modèle circulaire, dans lequel la bouteille en verre est consignée, réutilisée, avant d’être valorisée au moment du recyclage, respectant ainsi les sols car limitant l’extraction de matières premières pour chaque nouvel usage, sans parler de l’impact des micro-particules de plastique sur les écosystèmes et le corps humain, reste malheureusement encore difficile à quantifier de façon comptable.
Pour changer durablement nos modèles d’affaires il faut donc réinventer nos outils de mesure. Nos business models d’aujourd’hui ont été les innovations d’hier, il est temps de penser aux innovations de demain avec des gestions adaptées. C’est ce que nous démontrons avec Loop, notre ambition étant d’impulser la consommation de demain, plus responsable, en rendant le système de consigne accessible à tou.te.s. Grâce à la multiplication des partenariats avec des multinationales mais aussi de plus petites entreprises, nous pouvons proposer de la lessive Ariel ou celle des Petits Bidons, les produits Mondelez comme ceux de La Petite Fabrique Provençale, démontrant aux entreprises et aux consommateurs que l’économie circulaire est soutenable, quelles que soient les habitudes de consommation.
Cécile Hourse, Communication & Public Relations at Loop – TerraCycle
@cecilehourse